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Les Invasions
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ORIGINE DES NERVIENS.
 
     Avant l'ère chrétienne, notre région était occupée par les Nerviens, peuple Belge qui avait chassé les Gaulois pour s'emparer de leurs terres. C'étaient avant tout des paysans, défrichant la Forêt Charbonnière et pratiquant l'élevage, la culture, la chasse et la pêche. Ils vivaient isolément mais se rassemblaient parfois dans certaines places fortes comme celle d'Estrun qui deviendra plus tard le "Camp de César". 
     Le territoire Nervien était approximativement limité à l'ouest par l'Escaut et la Scarpe, au nord par la Dyle, à l'est par la Sambre et au sud par les forêts du Nouvion et de la Thiérache. Les Nerviens avaient pour voisins d'origine belge : les Atrébates (région d'Arras), les Ménapiens (Flandre), les Bataves, les Éburons (région d'Avesnes), les Rèmes (région de Reims), les Suessiones (région de Soissons)...
 
LA BATAILLE DE LA SELLE (57 avant J.C)
 

     En 57 avant Jésus-Christ, Jules César entreprend la conquête de la Nervie. Venant d'Amiens (Samarobriva), il se dirige avec ses légions vers le nord-est et arrive au bout de trois jours dans notre région. Pierre Pierrard dans son livre "Histoire du Nord" situe le combat qui va opposer les Romains aux Nerviens sur les bords de la sambre. Mais beaucoup d'autres historiens pensent que ce combat eut lieu sur les rives de la Selle.
     Dans ses Commentaires sur la conquête des Gaules, César décrit le paysage qui ressemble à celui de la vallée de la Selle lorsqu'elle est en crue. Il cite d'ailleurs "Sabis" pour le nom de la rivière alors que la Sambre se nommait "Sambrica". D'après le docteur Bombard de Vertain, le combat, entre les armées romaines et nerviennes, aurait eu lieu aux environs de Solesmes. Des débris d'armes, des pièces de monnaie, de nombreux ossements ont d'ailleurs été retrouvés dans cette région.
     Le général Lévy, dans un rapport fait en 1924 à la Commission Historique du Nord, affirme que César a franchi la Selle entre Solesmes et Haspres et y a livré bataille. Pour Émile Carlier, "l'hésitation semble impossible, la défaite des Nerviens se produisit près de Denain". A ce sujet on a retiré en 1918 dans le lit asséché de la Selle, des armes que l'historien denaisien Jurénil attribue à l'époque gallo-romaine. Dans le texte du montage audio-visuel du musée de Bavai, J.L. Boucly atteste que "c'est sur les bords de la Selle (Sabis) que la rencontre eut lieu".
     S'il reste des doutes sur le lieu exact de la bataille, on peut penser qu'elle s'est effectivement déroulée sur les rives de la Selle. Et peut-être (pourquoi pas ?) sur la route reliant Amiens à Bavai, ce qui situerait l'affrontement Nerviens-Romains aux environs de Saulzoir (Sallicetains). Dès le début du combat, les 60.000 Nerviens aidés des Atrébates, commandés par Boduognat, repoussèrent la cavalerie romaine l'obligeant à franchir la Selle, mais César en grand stratège renversa la situation. Les 60.000 Nerviens et Atrébates furent presque tous exterminés. Le docteur Bombard écrit : "César arracha le bouclier d'un simple soldat, se porta à la tête des siens, les ranima de la voix... alors la fortune changea de face". César, confirme Pierre Pierrard, se jeta lui-même dans la bataille terrible, déploya un courage fabuleux... Quand la bataille fut terminée, il ne restait plus de la vaillante tribu des Nerviens que les femmes, les vieillards, les enfants".
 
BAVAY (BAGACUM) CITE DES NERVIENS
 
 Les Nerviens reprirent sans succès les armes en 54 et 53 avant Jésus-Christ. César quitta alors la Gaule et les Nerviens, peuple désormais libre, bâtirent la cité de Bavay (Bagacum). Des fouilles qu'il faut voir, entreprises après la dernière guerre, ont mis à jour les ruines de la merveilleuse cité nervienne. On peut admirer les emplacements de la basilique (marché couvert), du forum (place publique), du temple, des cryptoportiques (allées d'arcades), d'hypocaustes (chauffage des villas par le sol). Un musée récemment rénové, renferme des sculptures, poteries, pièces de monnaie... Un montage audio-visuel commente le tout.
    De Bavay, partaient 7 chaussées (appelées improprement chaussées Brunehaut). L'une d'elles joignant Bavay (Bagacum) à Amiens (Samarobriva) passait près d'Haspres. Il s'agit de la route très rectiligne : Vendegies-Saulzoir-Villers-Naves-Cambrai. Un diverticulum qu'on appellerait de nos jours "bretelle", partait de Famars (Fanum martis : Temple de Mars) et, passant par Haspres, rejoignait cette chaussée, un peu avant le calvaire de Rieux. Cette route est celle qui, venant de Monchaux, traverse le village et se prolonge par le chemin de Cambrai. 

 
PRÉSENCE ROMAINE A HASPRES
 
     L'existence de cette voie romaine, confirmée par la découverte de grandes dalles à un demi mètre au dessous du niveau du sol actuel, contribua à l'essor d'Haspres. Un temple romain reposait sous le choeur de l'église. Le prévôt d'Haspres, Dom François Antoine le Mercier, dans un texte de 1628, mentionne la présence "d'une grotte dessoubs qui solloit estre aussi ample que le choeur et principale partie de l'église. Les grosses pierres bleues que l'on peut voir dans la façade de l'église proviennent des piliers de ce temple qui fut détruit vraisemblablement vers 1100, lorsque Ledouin fit bâtir la Chapelle des Religieux pour les moines de la Prévôté.
     Lorsqu'en 1890, on construisit le presbytère (logement actuel des maîtres, place de la liberté) on trouva, en creusant les fondations, des traces de constructions romaines qui semblaient être un hypocauste.
     Le lieu -dit "Les Hautes Frètes", ensemble de hauts talus situés sur la rive gauche de la Selle près du hameau de Fleury, sont les restes d'un ancien camp romain. On voit très bien que ces levées de terrain ne sont pas naturelles et que des fossés ont été creusés pour élever ces remblais. Le grand talus parallèle à la Selle rappelle ceux du camp de César à Etrun situés face à l'Escaut. Notons qu'on a souvent constaté que, dans les environs d'un camp romain, on trouve un village ou un lieu-dit terminé par un "y" (ici : Fleury).
     Une collection d'objets de l'époque romaine recueillis à Haspres par M. Charles Laurent, se trouvait dans une vitrine du musée de l'Hôtel de Ville de Valenciennes (épingles en or, médailles, haches, vases en terre cuite... preuve incontestable de la présence des gallo-romains sur notre territoire). Miraculeusement sauvés pendant la guerre mondiale, ces objets de grande valeur historique disparurent lors du bombardement de Valenciennes de mai 1940. Pendant plus de trois siècles, Haspres allait connaître la paix et la prospérité, jusqu'au jour où des hordes de barbares venant du nord-est allaient de nouveau envahir notre région.

 
LES FRANCS ET LE NORD DE LA FRANCE
 
     A la fin du IIIème siècle, les Francs et les Alaman se ruent sur la Belgique. Bavay est incendiée et détruite lors de la terrible invasion de 275. Beaucoup de Nerviens sont refoulés vers Cambrai dont ils vont faire leur capitale.
     Puis le christianisme s'introduit dans notre région et l'on assiste à un temps d'apaisement. Les villae romaines font place à des villages. Mais, en 406, une nouvelle invasion germanique déferle sur notre région. Les Francs Saliens occupent Cambrai, Arras, Tournai ...
     En 447, Clodion, premier roi historique des Francs, est battu à Hélesmes (Héléna) par le général romain Aetius. Cependant, les Francs ne désertent pas la région et l'avènement de Clovis en 481, marque leur apogée. Par sa victoire de Soissons il va devenir le maître de la Gaule du Nord. Ses descendants jusqu'au bon roi Dagobert viendront fréquemment dans le Nord, "ce vieux pays franc", et y laisseront des traces de leur civilisation.

 
PRÉSENCE DES FRANCS DANS LA RÉGION
( fouille de Neuville, d'Hordain, et les Rues des Vignes et d'Haspres.
 
     En 1973, un professeur du C.E.S. de Lourches, M. Brasselet, découvrit, avec ses élèves, dans l'ancienne carrière de craie de Neuville sur Escaut, des os humains et des tessons de poteries mérovingiennes. Après autorisation du Directeur des Antiquités, il entreprit alors des fouilles avec l'aide de M. Hantute, inspecteur départemental de l'Education Nationale et M. Dessaint, conseiller pédagogique. Leurs recherches furent couronnées de succès. bien vite, trois tombes furent dégagées et leur contenu attestait la présence mérovingienne sur les bords de l'Escaut.
     Et depuis, grâce au concours bénévole d"enseignants, d'étudiants, même de retraités, plus de 60 tombes ont été mises à jour. Leur contenu : armes (francisques, framées, poignards), parures, poteries, permet de penser qu'il s'agit de tombes mérovingiennes datant de l'époque de Clovis. Signalons qu'un squelette d'enfant dans son cercueil (tronc d'arbre creusé) et celui d'un cheval ayant appartenu à un chef franc ont été déposés au Musée de Denain.
     La même année à Hordain, on mit à jour un cimetière mérovingien en creusant les fondations des bâtiments d'une cité près du terrain des sports. deux merveilleux sarcophages contenant les squelettes de chefs francs avec leurs armes, furent retirés et déposés, l'un dans la Tour de l'Ostrevant à Bouchain, l'autre au Musée de la Chartreuse à Douai.
     Plus récemment, en 1979, des fouilles entreprises au village de Les Rues des Vignes, par une équipe d'étudiants en archéologie dirigée par Bernard Florin, ont livré, outre des vestiges gallo-romains, plus de 250 sépultures mérovingiennes superposées sur 4 nivaux. On pense que cette nécropole franque pourrait contenir plus de 2.000 tombes. A la fin du siècle dernier, M. Charles Laurent effectua des fouilles à l'entrée du chemin de Cambrai à Haspres dans le jardin actuel des Cattiaux. Moi ns méthodique que les fouilles actuelles, elles n'en livrèrent pas moins des francisques, épées, poignards, colliers, vases en terre cuite, datant du règne de Clovis. Hélas, ces objets comme ceux de l'époque gallo-romaine, déposés au Musée de l'Hôtel de Ville de Valenciennes, disparurent lors du bombardement de mai 1940. Par contre, rien ne fut trouvé dans les fondations des maisons bâties dans les environs de ce cimetière qui, croit-on, s'étendait des remparts au lieu des fouilles de M. Laurent.
     Nous terminerons ce chapitre sur la présence des Francs dans notre région, par une légende relevée dans "Jadis en Cambrésis". Clovis, traversant le Cambrésis, s'arrêta à Saint-Hilaire ; une noble châtelaine lui offrit pour lui faire honneur de la toile de fine qu'on l'aurait dite tissée avec les fils de la vierge, si blanche que les lys de France n'auraient pu lui être comparés, si forte que le roi dut employer l'épée pour la partager avec sa sainte épouse Clotilde. Cette toile merveilleuse qui charma le roi Clovis et fit par la suite les délices de la noblesse française est toujours restée le secret du Cambrésis et plus spécialement de saint-Hilaire.

 
 
LES NORMANDS
"A furare Normannorum, libera nos, Domine"  De la fureur des Normands, délivrez nous, Seigneur.
 

     Au milieu du VIIIème siècle, les Normands ou Vikings, pirates et habile navigateurs du Nord de l'Europe (Danemark, Norvège, Suède actuels) abandonnèrent leurs terres et vinrent envahir notre pays, semant partout la panique et la désolation.
 

     Sur leurs drakkars, bateaux à fond plat, à la proue effilée surmontée d'une tête de dragon, mesurant environ 25 m de long sur 5 m de large et pouvant contenir 40 guerriers, ils remontaient le cours des fleuves et se livraient au pillage.
     En l'an 840, ils s'engagent dans l'estuaire de la Seine et assiègent Rouen en 841. Les moines de l'abbaye de Jumièges située dans un méandre du fleuve s'enfuient devant le péril viking, emportant avec eux les reliques de Saint Hugues et Saint Achaire. Ils se réfugient à Haspres dont la prévôté dépendait de leur abbaye (voir la page : "La Prévôté").
     notre région subira deux invasions normandes ; la première qui épargnera Haspres, vers l'an 850, et la seconde, en 881.
     En 851, les Normands atteignirent l'Ostrevant.  


     Denain et son abbaye furent pillées et incendiées par les hordes du sauvage Godfrid. Devant le péril tout proche, les moines d'Haspres transportèrent les reliques de Saint Hugues et Saint Achaire dans la citadelle de Douai (Jacques de Guise pense que "Les corps des saints confesseurs Achard et Hugues d'Haspres furent transportés non pas dans le château de Douai mais dans l'église Sainte Marie").
     Les envahisseurs s'arrêtèrent aux portes de l'Ostrevant et Haspres fut épargné. La seconde invasion normande, plus terrible que la première, eut lieu en 881. Remontant l'Escaut et la Scarpe, les Vikings dévastèrent les abbayes de Saint-Amand et Marchiennes, puis ils atteignirent Valenciennes où ils se heurtèrent à la résistance des bourgeois. Ils parvinrent ensuite dans la région de Denain ; Haspres et sa Prévôté furent réduites en cendres.
     (La Selle étant très large à l'époque, il se peut que les Normands aient halé certains drakkars à fond plat jusqu'aux abords de notre village. On se demande d'ailleurs si certaines armes retirées du lit asséché de la Selle en 1918, ne seraient pas d'origine normande).
     Les moines de la Prévôté prirent la fuite vers le centre de la France. "Les barbares", écrit Jurénil, "brûlent ce qu'ils ne peuvent enlever, les archives, les livres sont détruits. Les religieux du monastère d'Haspres ont pris la fuite, les moines des autres abbayes errent à l'aventure". On ne sait si les religieux de la Prévôté allèrent retirer à la citadelle de Douai les reliques de Saint Hugues et de Saint Achaire ou s'ils les mirent en sûreté dans l'abbaye de Saint-Omer.
     Cambrai fut à son tour dévasté à la fin de cette année sinistre de 881. Le roi de France Charles le Simple qui avait vaincu les Normands dans le Vimeu, s'inquiétait de leur avance dans le Nord. Il vint occuper le Camp de César à Estrun mais ne put empêcher les Vikings de réduire Cambrai en cendres et de saccager le monastère Saint-Géry.
     Au début des invasions normandes, les seigneurs, religieux, habitants de notre région n'opposaient guère de résistance à l'envahisseur et se bornaient souvent à prendre la fuite. Mais, après 881, les villes commencèrent à s'entourer d'enceintes fortifiées et les Normands subirent leurs premiers échecs. En 891, ils se font tailler en pièces à Saint-Omer. Les moines d'Haspres reviennent et reconstruisent le monastère. La population invite à fortifier le village. C'est vraisemblablement à cette époque que le fossé qui entoure la Prévôté fut creusé. Les reliques de saint Hugues et de saint Achaire reprennent leur place auprès des religieux.
     En 911, le traité de Saint-Clair sur Epte met fin aux invasions normandes. Charles le Simple donne à Rollon une partie de la Neustrie qui va devenir la Normandie.
     Si, selon Pierrard, les structures économiques, sociales et religieuses n'ont pas été fondamentalement touchées par les invasions normandes, celles-ci ont cependant suscité, dit Jurénil, le sens de la défensive ... sens de la défensive qui allait pousser la population à faire appel à la protection des seigneurs. On allait vers la féodalité.
 

LA CHARTE D' HASPRES ( 1176 )
     La charte est l'ensemble des lois et privilèges qu'un roi ou un seigneur accordait (
souvent contre paiement d'une redevance) à ses sujets, à une ville, à un monastère...
La charte d'Haspres datant de 1176, fut accordée par Baudouin, Comte du Hainaut, à la prévôté. La juridiction de la Ville d'Haspres appartint dès lors au prévôt.
Cette charte, sur laquelle est apposé le sceau de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras, est écrite en langue romane difficilement compréhensible. On peut la consulter aux Archives Départementales du Nord. La traduction que nous reproduisons a été faite en 1784 par M. Godefroy, garde des Archives du Comte de Flandre (
bibliothèque de Cambrai).
     On trouvera dans le texte deux prévôts. Sachons, afin d'éviter toute confusion, qu'il s'agit du Prévôt de l'église d'Haspres dépendant de l'abbé de Saint-Vaast d'Arras et du Prévôt le comte, représentant Baudouin Comte du Hainaut.
     BAUDOUIN, COMTE DE HAINAUT, déclare les droits qui appartiennent à l'église de SAINT AYCHADRE (Achaire) et à L'ABBAYE DE SAINT VASST dans la ville d'Haspres et ceux dont il devait y jouir ainsi qu'il l'a appris des échevins de cette ville et de ses hommes savoir : Eustach de Reuth, Hauxel de Chiévrain (Quiévrechain), Alman de Provi (Prouvy), Rainier de Thiant, et aussi des hommes de cette église savoir : Gautier d'Arras, Wichard de Irwillier, Bernard de Gaverelle, et Henri Leveau.
     La juridiction de la ville d'Haspres appartient à Saint Achaire et à l'église de Saint Vaast tant en moulins, que fours et tonlieux... Le prévôt de cette église qui y agit au nom de l'abbé a toute juridiction dans cette ville. Il a le droit d'assigner les jours pour tenir les plaids, d'établir des échevins, de publier les bans en présence des maire et échevins, sur le pain, le vin, la viande, et autres choses vénales... et de juger les infractions qu'on y aurait faite. Le prévôt du Comte et les autres chevaliers de la vile doivent se trouver à la publication de ces bans et, s'ils ne s'y trouvent pas, le prévôt de l'église n'en peut pas moins ordonner l'exécution.
     Les bans publiés doivent s'observer pendant l'année et si, après ce temps, il faut les changer, on pourra le faire en présence du Prévôt de l'église et des échevins après convocation faite du Prév8t du Comte et des chevaliers et, s'il n'y viennent pas, le Prévôt de l'église n'en pourra pas moins faire les changements qu'il trouvera les meilleurs.
     Les poids et mesures de ce qui se vendra dans la ville seront examinés en présence du prévôt et des échevins et celui qui sera trouvé en avoir de faux paiera 14 sols de Forfaits.
     Si le Prévôt et les Maire et échevins ne veillent point assez à l'exécution des ordonnances et s'ils négligent la punition de ceux qui auront des poids faux, le Prévôt du Comte, si on lui en porte plainte, doit en avertir celui de l'église ; et si, malgré cela, il néglige encore d'y veiller, le Prévôt le Comte pourra amender par le jugement des échevins l'église aura les deux tiers de l'amende et le Prévôt le Comte l'autre tiers.      Si quelqu'un fait couler le sang dans la ville ou y excite une sédition "buriman" (querelles dans laquelle on se dit beaucoup d'injures) le, forfait de la blessure sera payé 60 sols si le fait est prouvé.  Celui de la sédition 30 sols dont les deux tiers à l'église et l'autre au Comte.      Si quelqu'un soupçonné de vol est assigné devant le Prévôt de l'église, il sera libre jusqu'au jour de plaid s'il trouve des cautions, sinon il sera remis au Doyen.  S'il est déclaré innocent, il sera libre mais s'il est convaincu, son bien appartiendra à l'église et il sera remis au Prévôt du Comte pour être punis.      Si un voleur venant du dehors est trouvé dans la ville avec son vol, on ne doit pas attendre le jugement des échevins parce que son vol est manifeste et il doit être remis au Comte ou à son Prévôt.      Le Doyen doit garder les prisonniers qui n'auraient pas de caution jusqu'à ce qu'ils soient condamnés ou déchargés.      Si le Comte est obligé de veiller à la défense de son Comté, il devra mander par son Prévôt à celui de l'église, d'assembler tous les hommes de la ville afin qu'ils se trouvent à l'expédition avec leurs armes sous peine de dix sols.  Ils auront la sécurité nécessaire pour aller et revenir. Personne ne pourra s'en exempter si ce n'est les personnes âgées ou infirmes ou celles qui seraient reconnues au service de l'église.      La part que les habitants de la ville doivent contribuer soit pour le mariage des filles du Comte ou pour sa rançon s'il était fait prisonnier ou s'il rachète quelque château n'ayant pas été fixée la chose restera encore indécise.      Toutes les querelles et tous les plaids devront se terminer dans la cour de l'église en présence des Prévôt, Mayeur et échevins.  Si le Comte a quelque affaire contre quelqu'un de la ville, il ne pourra la plaider que dans cette cour, il aura le tiers de tout ce qui sera jugé à lui par les échevins et l'église les deux tiers.      Tous ces articles sont confirmés par le Comte Baudouin du consentement de la Comtesse Marguerite sa femme. TEMOINS  :      Alard, évêque de Cambrai ; Frumold, évêque d'Arras ; Hugues, doyen et archidiacre de Cambrai ; Jean, chantre ; Jean de Saint Géry ; maître Gérulf ; Huart, archidiacre d'Arras ; Jean, chantre de Douai ; Hugo Vitulus ; Martin Gallus ; maître Raoul ; Thibaut Chapelain ; Thomas, doyen de Valenciennes ; Jean, doyen de Solesmes ; Gautier, doyen de Bavay ; Rainier, doyen de Mons ; Bartuélémy , prêtre d'Haspres ; Soyez, prêtre d'Haussy. Témoins du Comte : Eustache de Roeux ; Hauwel de Chiévrain ; Raoul de Fraisnes ; Louis, son frère ; Guillaume d'Haussy ; Amand de Prouvi ; Gérulf, Prévôt du Comte à Haspres ; Témoins de la part de l'église : Gautier d'Arras ; Alard de Croisilles ; Wichard d'Irwileirs ; Eustache de Longueval ; Bernard de Gavarelle ; Jean de Bailleul ; Guillaume de Fors ; Simon mayeur d'Haspres ; Henri Leveau ; Suvalo le Jeune.      Cette charte de 1176, fut en 1197 signée par Baudouin Comte de Flandre et de Hainaut et en 1226 par sa fille Jeanne, comtesse de Hainaut, et complétée : Le prévôt de l'église n'aura point recours à une autre justice pour les choses qu'il pourra juger lui-même.
     Si quelqu'un est assez téméraire pour mépriser la justice du Prévôt de l'église, il en portera plainte au Prévôt du Comte qui appellera le coupable dans la cour de Saint-Achaire.  S'il a lieu à une amende, l'église en aura les deux tiers et le Prévôt le Comte l'autre tiers.
      Aucun habitant de la ville ne pourra avoir recours au prévôt du Comte à moins qu'il ne puisse prouver que celui de l'église ait refusé de lui rendre justice.
     Si quelqu'un recourt avec chaleur à la justice du Comte, et qu'il soit que celui de l'église et le Mayeur aient voulu la lui rendre, il paiera 3 sols d'amende.  Lorsque le Prévôt de l'église, le Mayeur, les échevins auront refusé de rendre justice à quelqu'un, il pourra alors porter ses plaintes au Prévôt le Comte.
      Le Comte est avoué de l'église et de la ville mais il ne doit pas se mêler des affaires des hommes de l'église à moins qu'il en soit requis par l'abbé ou le Prévôt de l'église.      Toutes les maisons de la ville, l'église exceptée, celles des clercs, chevaliers et autres exemptes, doivent par an, au Comte, une octuale (mesure de capacité) d'avoine et trois deniers.  Plusieurs chevaliers tiennent de lui cette redevance en fief.      Tous les habitants de la ville paieront au Comte par an, en présence du Prévôt de l'église et des échevins, afin qu'il les protège et qu'ils puissent passer librement dans ses châteaux avec leurs marchandises, 60 livres par an.      Le Prévôt du Comte pourra tenir trois plaids généraux dans sa maison savoir à Noël, à Pâques et à la Saint-Jean-Baptiste, quand les hommes de la ville y auront été convoqués au son de la trompe.  Le mayeur de la ville doit y défendre les intérêts des habitants.      Le Prévôt du Comte ne doit pas faire de complainte pour plus de 5 sols et il ne pourra revenir sur ce qui a été jugé par les échevins. Il ne peut tenir ses plaids qu'aux temps prescrits.  Si une affaire n'a pas été terminée, on pourra la terminer lors d'un autre plaid.      Le Comte ne peut tenir plaid ailleurs que sous le portique de l'église Saint Aychadre (Achaire). Si le comte veut plaider contre quelqu'un, le Prévôt de l'église doit l'assigner pour le lendemain s'il n'est point question d'héritage, mais, S'il en est question, il ne doit l'être que pour une quinzaine.      Si le Comte fait une ordonnance dans son Comté concernant la vente du vin, la défense de brasser et concernant la monnaie, elle doit être publiée dans la ville par un mandement du Prévôt de l'église, en gardant cependant une brasserie pour les besoins de l'église.
     Si un transgresseur de l'ordonnance est découvert par les échevins et que le Comte ne veuille pas plaider, les deux tiers du forfait appartiendront à l'église et le reste au Comte.     A cette époque, la doctrine de talion :"oeil pour oeil, dent pour dent" était à la mode et l'on ne badinait pas avec l'application de la peine de mort. C'est ainsi qu'en 1184 Baudouin V fit modifier l'article de la Charte de 1176 concernant les violences, coups, blessures...       Si un habitant d'Haspres blesse quelqu'un dans la ville ou dans le Comté de Hainaut, il perdra membre pour membre, s'il le tue, on le tuera de même.      Tous les meubles du meurtrier seront confisqués : deux tiers en faveur de l'église d'Haspres, le reste pour le Comte.      La maison et les biens du meurtrier appartiendront à l'église jusqu'à ce que ses fils ou ses héritiers fassent la paix avec les descendants de la victime, et alors, on les leur rendra.      Si le meurtrier s'est évadé, ses meubles et ses biens demeureront entre les mains de l'église jusqu'à ce qu'il revienne à Haspres.      Si celui qui aura blessé est pris et s'il perd un membre, il ne  perdra rien de ses meubles et de ses biens.      Si le meurtrier est de la terre du Comte, les meubles et ce qui lui appartiendra à Haspres seront remis par le Prévôt de l'église au Comte". 
 
 

  HASPRES VERS 1600

     Nous verrons dans le chapitre "Haspres ville espagnole" que, malgré les intrigues de louis XI, notre région revint à Marie de Bourgogne fille de Charles le Téméraire. Lorsque Philippe le beau, fils de cette héritière des Ducs de Bourgogne, monta sur le trône de Castille, le Hainaut fit, pendant deux siècles, partie des Pays-Bas Espagnols rattachés à la couronne d'Autriche.
     En 1597, l'Empereur d'Autriche demanda au Duc de Croy, gouverneur de notre région, de lui faire parvenir les peintures (
miniatures) des villes du Hainaut.
     Le Duc de Croy confia ce gigantesque travail à un artiste Valenciennois : Adrien de Montigny, qui s'y consacra de 1597 à 1622.
     Ces reproductions qui ont bravé le temps, se trouvent de nos jours aux Archives Nationales de Vienne ; en admirant l'une d'elles, on peu avoir une idée de ce qu'était Haspres au début du XVIIèm siècle.

Cette peinture n'est certes pas une reproduction totalement fidèle du village comme le donnerait une photographie. L'artiste a jonglé avec la perspective, n'hésitant pas à déplacer certains édifices pour les mettre en relief (c'est le cas de la tour carrée du centre qui, en fait, se trouvait plus à l'est).      Le tableau a vraisemblablement été peint du haut des remparts, permettant à Adrien de Montigny d'avoir une vue plongeante sur la vallée de la Selle, avec en toile de fond le vallonnement de la rive droite dominé par le point culminant du village : la Croix Louis.      Au centre, coule la rivière, très large à l'époque, comme en témoigne un plan de 1619.      A l'extrémité droite, repose le Moulin des Moines exploité par le sieur la Warde et que le Prévôt François Doucet consolidera en 1663.      En aval de ce moulin, on distingue une énorme tour avec des clochetons en forme de cônes.  Cet immense bâtisse était le Donjon qui d'éfendait la Prévôté et qui sera détruit en 1816 pour construire la caserne des soldats Russes en occupation (ancienne école des filles).  Les bâtiments actuels de l'Abbaye ne figurent pas sur le tableau : ils ne seront construits qu'en 1613.      L'imposant édifice du centre est l'église ou Chapelle des Religieux que Ledouin fit bâtir au XIème siècle quand la Prévôté dépendit de l'Abbaye de Saint-Vaast d'Arras.  On reconnaît le portail, qui n'a pas changé, avec le sentier conduisant à la Selle : une place s'étendait là où sera bâtie la caserne des Russes.      La haute tour carrée qui domine l'ensemble se trouvait en fait plus à droite de l'église.  Elle fut par la suite surmontée d'une flèche, de 4 clochetons et deviendra "le vieux clocher" qui veillera sur le village jusqu'à l'ouragan de 1876 (voir chapitre "Notre clocher").  Enfin, quelques champs labourés témoignent de l'importance agricole d'Haspres qui, à l'époque, était une des cités les plus prospères du sud du Hainaut.

 

HASPRES " VILLE ESPAGNOL "
     Haspres faisait autrefois partie du Hainaut, province de la Lotharingis que Lothaire, après le traité de Verdun de 843, remit à son gendre Gilbert Ier en 849.
     Il serait trop long de s'attarder sur l'histoire complexe de cette province, depuis ses origines jusqu'à son rattachement à la couronne de France en 1678. Imbroglio d'alliance, de querelles, de ruptures, de rattachements...
Tantôt uni à la Flandre et tantôt séparé, le Hainaut sera finalement incorporé sous Philippe le Bon dans les domaines du Duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, en 1436.
     Le rattachement de cette province à la couronne d'Espagne sera un des faits les plus marquants de son histoire. Le rusé et intrigant Louis XI, après avoir vaincu son rival Charles le Téméraire à Nancy en 1477, aurait voulu rattacher le Hainaut à la France. Le 9 avril, après avoir assiégé le Quesnoy, ses troupes ravagèrent Verchain, Saint-Vaast, Saint-Aubert et Haspres. Puis, elles firent le siège de Bouchain où Louis XI faillit se faire tuer lors de l'assaut de la tour de l'Ostrevant. Le lendemain, le roi fit camper ses soldats à Haspres.
     Ce comportement du roi, d'habitude assez diplomate, mécontenta la fille du Téméraire, Marie de Bourgogne, qui, décidée plus que jamais à venger son père, épousa Maximilien d'Autriche. De cette union allaient naître deux enfants dont l'un, Philippe le Beau, allait hériter du Hainaut lors du traité d'Arras de 1482 (
Louis XI dut se contenter de la Picardie et de la Bourgogne). Lorsque Philippe le Beau, désormais prince du Hainaut, monta sur le trône de Castille, notre village allait faire partie des Pays-Bas Espagnols futur domaine de Charles Quint.
     Haspres allait donc devenir ville espagnole pendant près de deux siècle.
Deux siècles de guerre.
    
Les rois de France vont vouloir à tout prix conquérir le Hainaut, province des Pays-Bas Espagnols pour le rattacher à leur royaume et consolider ainsi les frontières du Nord. Il leur faudra deux siècles de luttes qu'il serait trop fastidieux de décrire dans le détail.
     Haspres placé sur le passage direct des provinces de France aux grandes villes du Hainaut (Valenciennes, Condé...) va être à la merci des pillages, des invasions, des incendies...
     Dès 1521, François Ier se livra à une "campagne confuse et dévastatrice"  (P.Pierrard). Après avoir investi Bouchain, il envoya son lieutenant le Duc de Vendôme faire le siège d'Haspres. Malgré l'héroïque résistance des Canonniers dont la compagnie avait été fondée l'année précédente par le moine Gaubert, notre village fut réduit en cendres et les habitants "passés au fil de l'épée".
     Puis, Henri II, en octobre 1551, traversa notre province avec ses troupes et une fois de plus, Haspres fut incendié ainsi que 40 villages des environs.
     Le traité du Cateau-Cambrésis signé entre Henri II et Philippe II roi d'Espagne allait amener 36 années de paix. Saint-Quentin, Ham, Le Catelet,... passaient à la France, mais le Hainaut restait sous la tutelle de l'Espagne.
     C'est alors que, profitant de la situation, une bande de gueux se livra au pillage. Grégoire Hubert natif d'Avesne le sec et Brétecq originaire d'Haspres, rançonnaient les paysans allant jusqu'à les torturer pour qu'ils dévoilent ou ils cachaient leurs économies. Les "Gheux" écrit Jurénil dévastaient maintes églises et maints monastères. On les nommait "Les déloquetés". Ils se réfugièrent un moment dans l'église de Monchaux puis se dirigèrent vers le cambrésis et disparurent.
     Après le passage des gueux, notre village fut victime des "rapts" du Duc de Cambrai : Balagny. Dès que Henri IV fut proclamé roi de France, ce Balagny lui demanda la protection de Cambrai. Protégé par le roi de France, il pouvait alors rançonner le Hainaut en toute sécurité. A la tête de mercenaires qu'il avait pris à sa solde, il se rendait dans les villages (Rieux, Iwuy, Avesnes le Sec, Haspres, Noyelles), faisait sonner les cloches, rassemblait curé, mayeur, prévôt, échevins... et les obligeait à déclarer ce que possédaient les habitants du village. Puis, il imposait une taxe arbitraire. il alla même jusqu'à laisser une garnison de "ses hommes" à Haspres et dans l'église de Neuville sur Escaut.
    Ce fut le Comte Fuentès, général espagnol, qui en 1595 le chassa et fit le siège de Cambrai toujours protégé par les Français.
     Les débuts du XVIIème siècle vont être marqués par un apaisement, une période de trêve qui, dans le Hainaut, va durer presque un demi-siècle. Les luttes de Louis XIII et de Richelieu contre les Espagnols vont surtout se dérouler en Picardie, dans l'Artois et dans les Flandres.  Hélas ! Les guerres, les invasions, les dévastations, l'obligation de loger les soldats ou les mercenaires avaient ruiné notre région. Dans certains villages, on ne cultivait que le dixième des terres labourables.  La misère et la famine régnait à Haspres. Ce fut pendant cette période de crise que les moines de l'abbaye firent bâtir les bâtiments actuels de la Prévôté.

LA SECONDE MOITIE DU XVIIème SIÈCLE.
     La seconde moitié du XVIIème siècle sera pour le Hainaut une nouvelle époque de deuils, de ruines, et de désolation. Haspres et sa région vont servir de champ de bataille aux armées françaises et espagnoles. En 1656, Turenne assiège Valenciennes mais les Espagnols commandés par Condé chassent les Français du Valenciennois et du Cambrésis. L'année suivante, Turenne fait reprendre Cambrai. Le traité des Pyrénées de 1659 allait momentanément mettre fin aux rivalités franco-espagnoles. Landrecies, Le Quesnoy, Avesnes devenaient villes françaises... mais Haspres faisait encore partie du Hainaut espagnol.
     En 1667, Louis XIV, par le traité d'Aix la Chapelle rattacha Lille et Douai à la couronne de France... mais Haspres restait toujours ville du Hainaut espagnol.
     Enfin, en 1676, Louis XIV décida, de s'emparer à tout prix des villes situés sur l'Escaut afin de renforcer et de délimiter la frontière du nord de la France. Le 26 avril, ses troupes venant de Lille s'emparèrent de Condé, puis, le 2 mai, Philippe d'Orléans et Vauban firent le siège de Bouchain. Le 6 mai, la ville basse était aux mains des Français. Les assiégés firent appel à Guillaume d'Orange qui commandait les troupes hollando-espagnoles. Les armées de Louis XIV et du Prince d'Orange se font face près de la ferme d'Urtebise (Trith), mais l'affrontement n'a pas lieu. Guillaume se retira vers Bruxelles et Bouchain capitula... Haspres qui avec Avesnes le sec, Villers, Douchy, Noyelles et 63 autres villages des environs faisait partie de la Châtellenie de Bouchain devenait ville française. Il faudra, en fait, attendre le traité de Nimègue (1678) pour que notre village soit officiellement rattaché à la couronne de France.
COEUR ESPAGNOL OU COEUR FRANCAIS ?
     Les Haspriens étaient-ils heureux de devenir Français ? Qui préféraient-ils ? L'occupant espagnol avec lequel ils vivaient depuis deux siècles ou les Français qui était venu dévaster le pays ? (Rappelons que les soldats des rois de France avaient incendié Haspres à plusieurs reprises). J.M. Lambin affirme que pour beaucoup "l'Espagne c'était la liberté, la France c'est la servitude". On allait même dans la région jusqu'à parler de "l"ennemi français".
     Sur le plan économique, on craignait que le rattachement à la France ne ruine le pays car notre industrie était tournée vers Gand, Anvers ... Beaucoup d'ouvriers allaient d'ailleurs quitter notre région ; Bouchain verra sa population diminuer de moitié. Des impôts nouveaux et très lourds allaient être levés par le Roi Soleil.
     Sur le plan religieux, on préférait le culte d'origine espagnole à celui qu'allait imposer Louis XIV. Les calvinistes que les occupants avaient laissé en paix vont s'enfuir après la Révocation de l'Edit de Nantes.
     En guise de conclusion, nous n'iront pas jusqu'à employer le terme de "ennemi Français" utilisé parfois dans la région, mais, comme le dit Pierre Pierard : "Ce ne sera qu'à la longue que les provinces annexées s'intègreront, de par leur âme, au royaume de France". Ce que Vauban disait de l'Artois pouvait être dit des Haspriens. On allait mettre longtemps à se "désespagnoliser".
 

 
 
 
HASPRES ET LOUIS XIV
    
La châtellenie de Bouchain (dont Haspres faisait partie) était considérée après le siège du 11 mai 1676 comme appartenant déjà à la couronne de France, et faisait une enclave dans le Hainaut, Louis XIV après avoir enlevé Condé, décida de s'emparer de Valenciennes et de Cambrai afin de posséder toutes les places fortes sises sur l'Escaut. 
 
Prise de Valenciennes.

      Le 26 février 1677, l'armée française commença le siège de Valenciennes. Le 1er mars, Louis XIV quitta Saint-Germain en Laye et vint en personne prendre en main la direction des hostilités (On l'avait accusé, disait Voltaire, d'avoir craint de combattre le Prince d'Orange au siège de Bouchain. Aussi le monarque tenait-il à laver cet affront).
     Louis XIV et Vauban firent d'abord ouvrir des tranchées autour de la ville. Puis le 12 mars, l'artillerie ouvrit le feu envoyant 2.500 bombes et 15.000 boulets. Enfin, le 17 mars, l'assaut fut donné. Deux compagnies de mousquetaires, le régiment de Picardie et un bataillon de gardes, s'emparèrent des fortifications et poursuivant leur attaque se trouvèrent au coeur de la ville. La garnison fut faite prisonnière sans opposer de résistance (on a parlé de 50 morts seulement chez les Français) et Louis XIV devint maître de Valenciennes qui allait devenir "ville française".
     On a parlé au sujet de ce siège de "trahison", de "pont levis trop rapidement baissé", de "porte dérobée par où se seraient infiltrés les Français"... La ville s'est-elle comme le prétendent certains historiens "volontairement donnée" ?
     La prise Valenciennes restera une énigme de l'histoire.
 
Prise de Cambrai (Louis XIV couche à Haspres)

      Le 20 mars 1677, Louis XIV donna l'ordre de marche sur Cambrai pour le lendemain : "Toute la cavalerie partira demain à la pointe du jour... l'infanterie prendra du pain et la gendarmerie qui doit suivre, de l'avoine pour trois jours... Le trésor et les équipages marcheront entre les deux colonnes... tous suivront le grand chemin de Valenciennes à Cambrai passant par Main, Thian et Haspres et feront halte dans la plaine qui est au delà du ruisseau (il s'agit de la Selle) où sera le camp".
     L'armée française arriva donc à Haspres dans l'après-midi du 21 mars 1677 et cantonna de part et d'autre du chemin de Cambrai. Louis XIV arriva l'après-midi et fut reçu par le prévôt de l'abbaye, Antoine Parmentier. Il dicta ensuite l'ordre de marche pour le lendemain : "L'armée partira à la pointe du jour et marchera sur trois colonnes... suivant le grand chemin de Valenciennes à Cambrai où Messieurs les Généraux les feront mettre en position en attendant l'arrivée du roi". Puis, l'ordre de marche dicté, Louis XIV soupa et passa la nuit à l'abbaye (rappelons que les bâtiments avaient été construits au début du siècle). Le lendemain matin 22 mars, il se leva de bonne heure. L'armée quitta Haspres et prit la route de Cambrai dont elle allait faire le siège.
     Le soir même, le roi plaça ses généraux. Le 23 et le 24 mars, le gouverneur de Cambrai, le général Zavala fit renforcer les défenses de la ville tandis que les français creusaient des fossés tout autour. Quelques sorties de la cavalerie espagnole se soldèrent par des échecs et le 25 mars elle était totalement entourée de lignes de retranchements. Le 30 mars, du Château de Selles, les assiéges bombardèrent les troupes françaises, mais une batterie postée à Neuville répondit en déclenchant un tir violent et meurtrier. La position du château de Selles était insoutenable et le 3 avril ce fut la capitulation. Les Espagnols du général Zavala se réfugièrent dans la citadelle dont Louis XIV dirigea lui-même l'assaut avec Vauban. Le général Zavala blessé prit la sage résolution de se rendre. Louvois prit possession de la citadelle et le roi, en grand triomphateur, entra dans la ville et se rendit à la cathédrale où l'on chanta un Te Deum.
     Après Bouchain, Condé et Valenciennes, Cambrai devenait "ville française".
 
La Bataille de Denain. Les Armées Françaises passent à Haspres

      Les guerres de Louis XIV sont hélas loin d'être terminées. Après la guerre de la ligne d'Augsbourg, la guerre de Succession d'Espagne (1701-1714) allait être la plus dure et la plus terrible du grand siècle. A ces misères allait s'ajouter "Le grand hiver" de 1708-1709. Toutes les récoltes furent gelées. Ce fut la famine dans la région. Il y eut de nombreux morts. Le prix du pain alla jusqu'à décupler. Les alliés commandés par Malborough et par Eugène de Savoie envahirent à nouveau le Nord de la France. Le 11 septembre 1709, ils sont arrêtés à Malplaquet mais le Maréchal Villars est Grièvement blessé. En 1711, Malborough assiège et prend Bouchain (il avait établi son Quartier Général à Avesnes le Sec tandis que le Comte de Tilly commandant les Hollandais avait établi le sien à Haspres). En 1712, Denain et Landrecies sont aux mains d'Eugène de Savoie.
     C'est alors que Villars allait sauver la France du désastre. La bataille de Denain a été merveilleusement décrite dans les moindres détails par André Jurénil, historien denaisien, dans un livre paru en 1933. Nous essaierons de résumer cette bataille, chef-d'oeuvre de stratégie dont Villars et Montesquiou furent les héros.
     Nos ennemis, les alliés Hollandais-Anglais-Saxons, commandés par le prince Eugène de Savoie et Albemarle (Malborough ayant été disgracié), avaient étalé leurs troupes sur une ligne s'étalant de Denain à Landrecies (approximativement le long des vallées de l'Ecaillon et des Harpies). Ils étaient ravitallés par des convois venant de Marchiennes. Villars qui, début juillet, avait campé à Noyelles  sur Escaut, marcha vers les sources de la Selle, un peu en aval du Cateau . Le 20 juillet 1712, l'aile gauche de son armée arriva à Villers en Cauchies et remonta vers Solesmes. Le lendemain, toute l'armée était postée sur deux lignes parallèles le long de la rive gauche de la Selle (Saint-Benain, Saint-Martin, Saint-Souplet, Molain). Villars eut allors à choisir : franchir la Selle et assiéger Landrecies ou descendre le cours de la rivière et assiéger Denain. Après avoir consulté Montesquiou, il opta pour la seconde solution et envoya sur-le-champ des hussards à Solesmes, Haussy, Saulzoir, Haspres et Douchy pour surveiller les ponts de la rivière et empêcher le passage éventuel d'espions. A 4 heures du matin, trente cavaliers vinrent se poster dans la cour du moulin d'Haspres avec l'ordre de ne laisser passer personne d'une rive à l'autre.
     Puis Villars, pour tromper l'ennemi, franchit la Selle et fit marche vers Landrecies, obligeant Eugène de Savoie à renforcer les défenses de la ville et à dégarnir l'aile droite de son armée. Alors, il fit faire demi-tour à ses soldats, arriva au Cateau et scinda son armée en trois colonnes. La première colonne eut ordre de suivre la vallée de la Selle. La seconde longea l'Erclin passant par Inchy, Quiévy, Avesnes les Aubert, Rieux...
     La troisième, le centre, prit la route de Viesly, Saint-Vaast, Saint-Aubert, Villers, Avesnes le Sec... Ces trois colonnes devaient se rejoindre à Neuville sur Escaut le matin du 24 juillet. La première colonne, celle qui passa à Haspres, vers trois heures du matin, se scinda elle-même en deux : l'une empruntant la route Le Cateau Solesmes Douchy, l'autre passant par les chemins de terre qui longent la rive gauche de la Selle (chemin vert, chemin de Noyelles). Une légende prétend que les soldats avaient mis des chiffons aux sabots de leurs chevaux et aux roues des attelages pour étouffer le bruit.
     A 7 heures, avec un peu de retard sur l'horaire prévu, toutes les colonnes se rejoignaient à Neuville. Quatre ponts furent jetés sur l'Escaut et l'armée de Villars et de Montesquiou passa sur la rive gauche. Le défenseur de Denain, Albemarle se rend alors compte qu'il est joué. Il appelle Eugène de Savoie resté à Landrecies, fait sans succès une sortie vers les Français, incendie Saulx (vieux Lourches) et rentre dans la ville.
     L'assaut est alors donné. La redoute, les retranchements sont franchis. Albemarle se rend et remet son épée. Chez l'ennemi, c'est la panique totale. Les fuyards encombrent le pont qui enjambe l'Escaut. Ce pont s'écroule sous le poids des chariots, calèches... Des milliers de soldats périssent noyés sous les yeux d'Eugène de Savoie, arrivé trop tard, et qui tente en vain de traverser l'Escaut sur le pont de Prouvy que les Français font sauter.
     L'ennemi avait eu 3.000 tués et 2.000 noyés. On avait fait 3.000 prisonniers et perdu à peine 800 hommes. Le soir même, le conseiller au parlement, Lefebvre d'Orval, écrivit à Louis XIV pour lui annoncer la victoire de Denain, qui allait sauver la France.
 
Le second siège de Bouchain. Villars établit son Q.G. à Haspres

      Après la victoire de Denain, les troupes françaises victorieuses s'étaient reposées dans la région. Chaque village logeait un bataillon d'infanterie (le bataillon du Limousin campait à Haspres). Le marquis d'Allègre fut chargé du second siège de Bouchain que Malborough avait repris l'année précédente. Villars avait établi son quartier général à Haspres. Le siège ne dura que quelques jours. Début octobre, une tranchée fut ouverte autour de la ville et l'artillerie française détruisit les canons de la place forte. Une fausse attaque de la ville basse fut suivie d'une attaque massive de la ville haute. Le Comte Albergotty fut contraint de capituler le 18 octobre.
     Toutes les villes fortifiées sises sur l'Escaut : Cambrai, Bouchain, Denain, Valenciennes et Condé étaient désormais villes françaises.
 
La construction de la route Cambrai Iwuy Valenciennes amorce le déclin de la vile d'Haspres

      Après le rattachement du Cambrésis, de l'Ostrevant et du Valenciennois à la couronne de France, le roulage Bruxelles Valenciennes Paris passait par Haspres. Le relais de postes attribué depuis longtemps aux Lestoille, était un des plus prospères de la région. Notre village possédait des auberges : l'auberge du "Boeuf Musqué" (Logement actuel d'Alain Mercier) où le duc de Bourgogne logea en 1712, l'auberge du "Canard" où Wellington s'arrêtera en 1818...
     Or, dix ans après la mort du roi Louis XIV, un événement capital allait causer le déclin d'Haspres. En 1725, Louis XV décida de tracer une nouvelle route reliant Cambrai à Valenciennes et passant par Iwuy Bouchain, abandonnant ainsi l'ancienne chaussée romaine qui passait par Haspres. On se demande encore les raisons qui ont poussé le roi à faire construire cette route qui rallongeait le trajet d'une lieue (4 km).
     Certains pensent que ce sont les moines de la Prévôté qui sont intervenus auprès de Louis XV, lui demandant de faire construire cette route, préservant ainsi Haspres de l'éternel passage des soldats, des brigands et même des seigneurs qui logeaient à l'abbaye sans bourse délier.
     On peut en outre penser que l'ancienne route était trop étroite et qu'une chaussée pavée plus large était nécessaire. Les carrières de l'Ostrevant (Montigny, Hordain) allaient fournir les grès nécessaires au pavage et on a rapproché le plus possible cette nouvelle chaussée des carrières.
     Dès 1727, Haspres, une des villes les plus prospères du Hainaut Sud, allait décliner. Le chemin qui avait vu passer les rois devenait chemin vicinal... Ainsi passe la gloire du monde !