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Brasseries et bière à Haspres
Origine de la bière :
     La découverte des boissons alcoolisées remonte à la Préhistoire. L'homme primitif s'aperçut qu'en laissant macérer le jus de fruits ou de graines, celui-ci se couvre d'écume et acquiert un pouvoir enivrant. C'est ainsi que fut révélée la manière d'obtenir du vin à base de raisin, de la bière à base d'orge.
     Les Gaulois (chez nous : les Nerviens) avaient fait de la bière leur boisson nationale. C'était la cervoise, si chère à Astérix. Elle était fabriquée par les femmes dans le cadre familial.
     Au VII° siècle, notre région se couvre de monastères et les moines installent les premières brasseries domaniales.
     A Haspres, il y eut certes des vignes sur le coteau s'étalant du Marais à l'Obette, vignes qui produisaient un verjus de mauvaise qualité servant de vin de messe. Mais les habitants d'Aspa Villa préféraient de loin la bière.
De l'origine à la Révolution :
     Les premiers maîtres brasseurs furent donc les Moines de la Prévôté qui détenaient le privilège de la production de la bière. Ils ont possédé jusqu'à 680 ha de terres (70% du territoire) dont beaucoup étaient ensemencées en orge nécessaire à la fabrication du malt. Il n'y avait pas de houblonnière à Haspres, mais certaines communes de l'Avesnois (Bousie, en particulier) produisaient du houblon qu'elles échangeaient aux moines contre de l'orge.
     La brasserie et le cellier se trouvaient dans la partie gauche de l'abbaye d'Haspres. La clé de voûte de l'entrée porte toujours la date de 1613, année de la construction du bâtiment, mais la production de la bière par les moines remonte au XI° siècle.
     La révolution va porter un coup fatal à la production de la bière à Haspres. Le 11 juillet 1791, les biens de la prévôté sont inventoriés et saisis pour être vendus comme Biens Nationaux.
     L'inventaire, établi par le sieur Delbauvre, mentionne "ustensiles de la brasserie de la ci-devant Prévôté d'Haspres". Le tout fut transporté par chariots au district de Valenciennes. Le 23 Septembre 1791, le sieur Jacques Quintaine devint acquéreur de "l'attirail de la brasserie de la Prévôté d'Haspres" pour la somme de 1012 livres. La Convention interdit en outre, au début de 1795, la production de bière dans le Nord : la famine menaçant la France, l'orge fut destinée à la fabrication de la farine panifiable, et à la nourriture des chevaux des Armées Révolutionnaires.
De la Révolution à la Première Guerre Mondiale :
     Après la tourmente révolutionnaire et le départ des moines, ce furent les paysans aisés d'Haspres qui devinrent maîtres-brasseurs. Le premier d'entre eux fut le sieur Lestoille, descendant du Maître des Postes, qui installa une brasserie dans les locaux de l'ancien Relais. Une pierre sculptée toujours visible sur le mur du magasin Shopi indique la date de la fondation : "Brasserie 1808". Puis, au cours du siècle dernier, d'autres paysans installèrent des brasseries.
     En 1900, on comptait cinq brasseries :
               - La brasserie Breucq (à l'emplacement de l'actuel domicile du Docteur Magnier) : elle produisait 4000 hectolitres et fusionna en 1910 avec la brasserie Derome.
               - La brasserie Lagrue (à l'emplacement des anciens bâtiments de M. Fernand Laigle), produisait 6000 hectos.
               - Il y avait aussi la brasserie Numa, Lestoille et la Brasserie de l'Abbaye.
     Chaque adulte consommait approximativement 400 litres de bière par an.
     C'était un va-et-vient incessant des chars à bière tirés par de puissants chevaux allant livrer les fûts dont certains contenaient jusqu'à 200 litres. Chaque café, chaque maison avait sa cave ou son cellier avec le chantier ("gantier") sur lequel on plaçait les fûts. Les petits tonneaux étaient portés par des ouvriers-brasseurs à l'aide d'un "tinet" (poutre de bois avec des chaînes). Les plus gros étaient roulés et glissés à laide d'un "poulain" (madrier reliés par des arceaux), manœuvre délicate et dangereuse. Au début du siècle, un garçon-brasseur fut tué, écrasé par un gros fût dans les caves de la brasserie Lagrue.
     Avant la Première Guerre Mondiale, il y avait à HASPRES 110 cafés (60 avant 1940- 5 il n'y a pas si longtemps, et 3 aujourd'hui). Beaucoup d'entre eux appartenaient aux brasseurs : pas de loyer mais obligation de se livrer chez le propriétaire. Les cafés étaient souvent le siège des nombreuses sociétés locales : musique, pompiers, canonniers, coulonneux, coqueleux, billon, javelot, boules, ... Le "plus chic" était le Café de la Musique, avec sa salle de fête. On y a donné les premières séances de cinéma. Quelques-uns étaient renommés pour leurs "tripes du samedi soir".
     Le jour de la ducasse, les brasseurs livraient gratuitement une barrique de bière à leurs cabaretier, et chaque bon client avait droit à quelques pintes gratuites. Certains cafés possédaient un phonographe, d'autres un piano automatique ressassant les éternels refrains de "Viens poupoule". "Caroline", "C'est papa, c'est parisien",... La bière coulait à flots. On guinchais comme chez Gégène à Joinville le Pont. C'était la Belle Époque !
Après la Première Guerre Mondiale :

L'braisse, L'député, St Aubert
et les célèbres mulets
     C'est l'époque de la reconstruction. Les Brasseries ont été endommagées en 1918. Les anciens brasseurs décident de fusionner, créant l' Association Lagrue, Lestoille et Cie (Breucq Dérome brassera individuellement jusqu'en 1925).
     L' Association fit l'acquisition de l'ancienne ferme Marc Bricout (emplacement actuel des Etablissements Plichon) et prit pour comptable M. Aimé Theilliez, venu d'Escaupont, homme distingué, posé, affable et grand musicien.
     M. Numa Lestoille avait réussi "l'exploi" de cacher une cuve en cuivre pendant la guerre, ce qui permit d'effectuer les premiers brassages. Citons, parmi les garçons-brasseurs, les noms de Zef Bourgeois, Guéry dit "L'Braisse",...
     Les tonneaux vont rapidement être remplacés par l'embouteillage (casiers de 10 litres, avec bouchons mécaniques). Les anciens se souviennent de l'image folklorique des deux mulets tirant le char à bière et des "porteux d'bière", personnages fort sympathiques : Fernand Mercier, Jean-Baptiste Gourdin dit "L'Député", Collart dit "Saint Aubert", Jean Lamand dit "Papa Jean",... Le dernier à conduire les "ministres" fut Camille Delfosse.
     Mai 1940 ! C'est l'invasion allemande. On craignait la réquisition des cuves en cuivre, comme en 14-18. Il n'en fut rien. On continua à brasser une petite bière qui ne devait pas titrer plus de 0,5°.
     Hélas ! Le 22 Mars 1944, Monsieur Theilliez décédait, entraînant dans sa mort le déclin de la Brasserie dont l'activité pris fin en 1948-49. Messieurs Lagrue et Lestoille vont céder leur clientèle à Dubois-Vaast de Denain. La brasserie va devenir un dépôt de bière, vin, liqueur, tenu par Mme Veuve Theilliez. Celle-ci le cédera en 1950 à la dynamique Marie-Louise Lestoille, qui cessera ses activités en 1970. Désormais, on trouve la bière dans les dépôts, chez les commerçants, les livreurs... L'époque des Brasseries est devenue une légende.
                                                                                                                            Guy MORELLE, avec le concours de
                                                                                                                            Germaine BASUYAUX et de            
                                                                                                                            Pierre DUBOIS, maître brasseur.