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Notre village possédait autrefois (avant 1876) un des plus
beaux clochers de la région, dominant de ses 65
mètres la vallée de la Selle. On
prétendait à l'époque qu'il
était, de par sa hauteur le 17ème clocher de
France.
Ses origines
sont très lointaines. Vers 1050, lorsque la
Prévôté d'Haspres ne
dépendit plus de Jumièges mais de l'Abbaye de
Saint-Vaast d'Arras, l'abbé Leduin décida de
faire élever un donjon et fit rebâtir
l'église flanquée de deux tours. On donna
à cet édifice le nom de Chapelle des religieux
(de style roman ogival). L'une de ces deux tours, la plus solide sans
doute, resta debout pendant huit siècles et,
restaurée et surmontée d'une flèche,
deviendra le vieux clocher. Si l'on observe la peinture
tirée de l'album du duc de Croy représentant
Haspres vers 1600 (voir la page "un peu d'histoire"), on voit, au
centre une tour carrée près d'un
bâtiment important qui semble être
l'église. |
C'est vraisemblablement cette grosse tour qui, après
modifications, sera surmontée d'une flèche et
deviendra le vieux clocher. Son assise en grosses pierres blanches
d'Avesnes le Sec, avait gardé l'aspect imposant d'un donjon.
Les quatre angles
étaient surmontés chacun d'un clocheton. On
l'avait doté de quatre cloches mais il ne
possédait pas d'horloge. Le haut était
percé d'abat-vent permettant de voir jusqu'à
Valenciennes au nord et Cambrai au sud. En 1793, le jeune Henri Boucly
était monté dans ce haut clocher et put,
derrière ces abat-vent, voir la bataille d'Avesnes le Sec :
"Les troupes françaises en débandade
s'efforçant de regagner Bouchain, tandis que les Autrichiens
vers Iwuy et Lieu Saint-Amand côtoyaient la multitude des
fuyards". |
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LE
CLOCHER ET LA RÉVOLUTION. |
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Ce clocher reposait dans la pâture de l'abbaye, à
l'endroit où se trouve (à peu de chose
près) la sacristie. On peut encore voir une partie de ses
fondations avec une arche en pierre blanches qui semble être
l'entrée d'une cave ou d'un souterrain. Cette situation
"extra-muros" par rapport à l'église proprement
dite jouera un rôle important sous la Révolution.
Rappelons que sous la
Convention eut lieu la vente des Biens Nationaux. La
Prévôté ou Abbaye fut vendue en juin
1792 au district de Valenciennes à Maurice Cacheux d'Haspres
pour la somme de 12.200 francs. Celui-ci ne pouvant payer, la vente fut
annulée et, le 23 janvier 1793, la
Prévôté fut revendue à un
dénommé M. Joly qui à son tour la
revendra à Richard. Il s'agissait alors de savoir si le
clocher qui reposait sur les terres de la
Prévôté faisait partie de
l'église ou de l'abbaye. Une procédure longue et
complexe allait dès lors opposer Richard
l'acquéreur et la commune qui tous deux
prétendaient être propriétaire du dit
clocher.
Après intervention de Raoult maire, auprès du
Préfet, les membres du Conseil de Préfecture (le
7 messidor an VIII, 25 juin 1800) ordonnèrent "qu'il sera
établi aux frais de Richard un plan desdits lieux afin de
pouvoir prononcer un jugement". Des témoins de la vente de
la Prévôté prétendaient
alors que le clocher n'était pas compris dans l'acquisition
de Richard. Mais, le 9 thermidor an VIII (22 août 1800), le
Conseil de Préfecture saisi de l'affaire, régla
le conflit : "le clocher dont il s'agit a toujours appartenu et fait
partie de ladite Prévôté". Le jugement
mentionna : "Il en résulte donc que le clocher fait partie
de l'acquisition de Richard.
Dès septembre 1800,
Richard légalement reconnu propriétaire du
clocher, fit procéder à la démolition
de ce bâtiment pour en récupérer les
matériaux. notons qu'il ne restait plus qu'une cloche, les
trois autres ayant été enlevées et
remises à Bouchain le 5 brumaire an VI (26 octobre 1797,
récépissé du commissaire Leroy). Mais
Richard mourut durant les travaux de démolition. Ses
héritiers voulant éviter de nouveaux ennuis
administratifs et judiciaires, prirent la sage résolution de
céder le clocher à la commune moyennant une somme
de 500 francs.
"Aujourd'hui, 17 brumaire an X, nous, héritiers du
défunt Joseph Richard, transportés à
la Maison Commune d'Haspres... faisons cession d'action de la
procédure que Richard a intentée contre la
Commune et reconnaissons que le clocher appartient à cette
dernière moyennant la somme de 500 francs qui sera
payée par l'obligation de ce jour". Le Conseil Municipal,
réuni le 26 vendémiaire an X (5 septembre 1801),
vota à l'unanimité cette somme et le clocher
appartint désormais à la commune. Cependant, il
faudra attendre 1804, l'année de sacre de
Napoléon 1er, pour que le clocher soit enfin
rebâti. |
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LE
CHOEUR DE L'EGLISE. |
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Ce choeur n'existait plus après la révolution. Un
immense mur fermait, bouchait l'église. En 1849, ce choeur
fut bâti aux frais des paroissiens. Une vielle pierre
taillée, posée sur la muraille
extérieure rappelle cette édification. Les
vitraux : bien sûr Saint-Hugues et Saint-Achaire, patrons
d'Haspres mais aussi Sainte-Véronique, la patronne des
tisseurs portant le linge avec lequel elle avait essuyé le
visage du Christ. |
Saint-Eloi et son marteau, patron des paysans,
métallurgistes... pouquoi ces deux saints ?
Derrière l'autel se trouve un " énigmatique trou
". Si l'on s'en réfère aux commentaires relatif
à la miniature du Duc de Croy, il y avait sous le choeur de
la chapelle des religieux une crypte... ? Par contre le texte
accompagnant le plan de reconstruction mentionne l'existence " de
souterrains dont certains sont remplis d'eau et que l'on comblera avec
les gravats de l'église détruite ".
Le passage des moines.
Ce
passage fut découvert lorsqu'on entrepris la restauration de
l'église et qu'on enleva le torchis recouvrant les murs. Il
fut décidé d'enlever une partie des pierres
comblant ce passage, ce qui donna lieu à 3
découvertes :
- Les gonds soutenant la porte.
- Une pierre taillée.
- Le dallage primitif de l'édifice qui se trouvait
70 cm plus bas que le dallage actuel. |
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L'
OURAGAN DE 1876. |
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Le clocher va donc à nouveau dominer la vallée de
la Selle pendant 72 ans. 72 ans au cours desquels il veillera sur un
village en paix. Haspres ne connaîtra plus de guerres pendant
plus d'un siècle.
Hélas ! Le 12 mars
1876, un ouragan d'une violence exceptionnelle s'abat sur la
région, et renverse la flèche du clocher
d'Avesnes le Sec. A Haspres la moitié de la toiture de
l'église est arrachée et le clocher tellement
ébranlé qu'il faudra l'abattre. Lors de la
réunion du 10 mai 1876, M. le Maire exposa au Conseil
Municipal : "que l'ouragan qui a sévi avec tant de force le
12 mars dernier ayant causé de grandes avaries au clocher,
il s'est empressé de faire venir M. Doutouquet architecte
à Valenciennes pour visiter cet édifice et aviser
aux mesures à prendre pour le consolider et le restaurer si
cela est possible". M. Doutouquet devant la gravité des
faits, fit appel à Messieurs Dubrulle et Meurant architectes
à Douai.
Les trois architectes constatant l'état de
vétusté et les effets désastreux de la
tempête conseillèrent de le faire
démolir.
Le Conseil Municipal, dans sa réunion extraordinaire du 12
avril 1876, sous le conseil des architectes, décida de faire
procéder à la destruction du clocher afin
d'éviter une catastrophe.
Cette décision
provoqua une réaction violente au sein du village. De vieux
haspriens nous ont dit que leurs parents ont toujours
regretté que ce merveilleux édifice ait
été abattu plutôt que
réparé. Une rivalité opposa certaines
familles accusant d'autres d'avoir poussé le Conseil
Municipal à prendre une telle décision. On a
parlé d'insécurité
injustifiée, de questions d'intérêt...
En mai 1877 (aucun
entrepreneur ne s'étant engagé à
effectuer de tels travaux), un tailleur de pierres d'Avesnes le Sec en
entreprit la démolition. "Le sieur Leblanc, carrier
à Avesnes le Sec, s'est offert à
opérer à la démolition du clocher
à ses frais, risques et périls, moyennant une
indemnité de mille francs, mais conservera pour lui tous les
matériaux provenant de cette démolition. Ledit
Leblanc s'est en outre engagé à arrêter
les travaux si l'administration jugeait de conserver la portion
restante du clocher pour servir de base à une
reconstruction".
Le
clocher fut donc démoli et Haspres attendra 27 ans pour en
revoir un autre. "Village sans clocher, village sans âme",
dit on. |
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LE
NOUVEAU CLOCHER. |
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En 1903, sous l'impulsion de l'abbé Baert curé
dynamique de la paroisse, le Conseil Municipal décida de
faire bâtir un nouveau clocher. Le projet de construction
proposé par M. Ritaine architecte à Tourcoing,
s'élevait à 32.000 francs. L'abbé
Baert consentit à intervenir personnellement dans la
dépense en offrant une somme de 12.000 francs.
Le 14 février 1903,
le Conseil Municipal présidé par M. Ernest
Lestoille, maire, se réunit et : "considérant que
l'édifice projeté présente un
caractère de réelle utilité. Qu'il
enrichira le domaine de la commune et constituera un embellissement.
Que le projet est bien établi. Qu'il prend acte de
l'engagement de M. Baert curé d'Haspres".
Adopte à
l'unanimité le projet de construction du clocher. Un emprunt
de 20.000 francs (part de la commune) sera contracté
auprès de la caisse de Crédit Foncier de France.
Le 17 juin, l'achat d'une cloche est décidé par
le Conseil Municipal et l'abbé Baert s'engage à
acheter une nouvelle cloche. |
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Les travaux furent entrepris au plus vite par l'entreprise Calixte de
Denain sous la direction de M. Ritaine architecte à
Tourcoing. Il fut décidé que le clocher
s'élèverait au dessus du parvis de
l'église et non sur les bases de l'ancien. L'abbé
Baert allait jusqu'à "servir" les maçons entre
les offices religieux. En moins d'un an, les travaux furent
réalisés.
L'inauguration eut lieu le 13
septembre 1904. Monseigneur Sonnois, archevêque de Cambrai,
présidait la cérémonie. Une foule
immense emplissait l'église (M. Ernest Lestoille, maire ;
l'abbé Baert, curé de la paroisse ; M. Domitien
Bricout, président du Conseil de Fabrique ; M. Calixte,
entrepreneur à Denain ; M. Ritaine, architecte ; Le Conseil
Municipal ; les sociétés locales ; les
fidèles...). Le clocher fut béni par le chanoine
Lobbedey, vicaire général... "Le village avait",
disaient les paroissiens, "retrouvé son âme". |
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LA
SEPARATION DES EGLISES ET DE L'ETAT
Au début du
siècle, naquit un mouvement anticlérical
mené par Combes, Waldeck-Rousseau et Aristide Briand. Aucune association
religieuse ne pouvait se fonder sans autorisation de l'Etat. Des milliers
d'écoles libres furent fermées et le 5
décembre 1905 fut votée la loi de
séparation des Eglises et de l'Etat.
L'église perdait son caractère
officiel et recouvrait sa pleine indépendance à
l'égard de l'Etat. On
procéda alors à l'inventaire des biens du
Clergé et l'emploi éventuel de la force publique
faillit déclencher une guerre civile.
A Haspres, l'inventaire des biens de l'église se fit un
matin du printemps 1906. L'abbé
Baert, vraisemblablement prévenu par
l'Archevêché, avait fait sonner les cloches
à toutes volée, amenant ainsi dans la cour de
l'Enclos un grand nombre de paroissiens.
Un détachement militaire de la garnison
de
Valenciennes accompagnait quelques fonctionnaires munis de serviettes
qui devaient procéder à l'inventaire.
Ils
étaient précédés par le
garde Haillez, un géant moustachu, nouvellement
nommé dans la commune et qui portait ostensiblement une
pioche sur l'épaule. Ils
se dirigèrent vers la porte de l'église qu'ils
trouvèrent close. "Un
silence impressionnant, nous dit un témoin,
régnait alors sur le parvis de l'église. Etait-ce le calme avant la
tempête ?" Dans certaines communes du Nord, de violents
affrontements avaient eu lieu. On
alla jusqu'à forcer la porte des églises (Dans
les Flandres, à Boeschèpe , un boucher fut
tué). Mais
à Haspres, la sagesse l'emporta.
Devant l'hostilité silencieuse des
paroissiens
les militaires et les fonctionnaires reprirent la route de Valenciennes.
Ils
revinrent ... Quelques jours plus tard, très tôt
le matin. Le
détachement militaire se scinda en deux groupes, chaque
groupe se postant sur un pont. La
porte de l'église étant ouverte, l'inventaire se
fit sans incidents. On
avait, comme le disait ironiquement Clémenceau,
compté les
chandeliers".
Après cela, le
Conseil Municipal, lors de sa réunion du 26 mars 1906,
"adressa à M. le Maire ses plus vives
félicitations pour sa ferme attitude
républicaine, dans la-commune, lors de la
séparation des Eglises et de l'Etat. Attitude, avouons-le,
assez diplomatique (M. Ernest
Lestoille S'étant borné à ne pas
s'opposer à l'inventaire des biens de l'Eglise), attitude
d'un maire qui à l'époque ne voulait pas se
heurter au clergé ni aux anticléricaux du village.
Désormais,
si l'entretien des églises était à la
charge de la commune, celle-ci recouvrait à titre
définitif la libre disposition du presbytère dont
elle était propriétaire.
Dans un souci de conciliation, le Conseil Municipal
décida de laisser l'Abbé Baert dans le
presbytère qu'il occupait depuis 1890 (logement actuel des
maîtres, place de la Liberté) moyennant un loyer
annuel de 200 F. Le Conseil Municipal décida en outre
d'attribuer "pour une durée de 18 années, la
jouissance gratuite de l'église et des meubles la garnissant
à M. Baert, desservant de la commune.
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LES
CLOCHES ET LA GUERRE DE 1914-1918. |
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Les cloches, hélas, n'allaient pas toujours être
les messagères d'événements heureux.
L'après-midi du 2 août 1914, elles allaient
annoncer aux Haspriens le déclenchement du premier conflit
mondial. Et, pendant cette première grande guerre, une
triste matinée de 1917, nos ennemis les descendirent du
clocher et les expédièrent en Allemagne.
Après les
hostilités, dès 1921, le Conseil Municipal
intervint auprès du service de restitution
siégeant à Wiesbaden. Mais les recherches ne
donnèrent aucun résultat. Nos cloches avaient
été vraisemblablement fondues dans une usine de
la Ruhr (les Avesnois, par contre, eurent la chance de
récupérer l'une des leurs). |
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En 1922, le Conseil Municipal, après avoir
sollicité une avance au service des dommages de guerre,
décida, à l'unanimité, "de
procéder au remplacement des 2 cloches". Il en confia la
fourniture à la Fonderie Wanty de Douai qui, en 1906 en
avait livré une à la commune. M.
Marouzé, maire fut autorisé a signer un
marché de gré à gré avec M.
Wanty pour la livraison :
- D'une grosse cloche de 1.050 kg sonnant le "mi" et sur
laquelle serait gravé : "Je chante pour la
liberté".
- d'une autre de 630 kg sonnant le "sol" et sur laquelle serait
gravé : "Je chante la joie et la douleur". au prix de 11,75
le kg.
Le projet
d'une sonnerie électrique fut rejeté, la
dépense étant trop onéreuse.
Ces cloches furent
livrées assez rapidement et un beau dimanche de
l'été 1922, elles trônaient,
décorées de rubans, face au choeur de
l'église.
Elles étaient parrainées, l'une par Mme Jules
Caullet et M. Auguste Mercier, l'autre par Mme Adrienne Fournet et M.
Edmond Lestoille. Après la messe
célébrée par l'abbé Bonnet
et un discours prononcé par M. Numa Lestoille,
président du conseil de paroisse, toute la population
reçu une boite de dragées. |
Quant au clocher, il eut la chance de ne pas être trop
endommagé par le bombardement anglais de 1918, et les
Allemands ne le dynamitèrent pas comme ils le firent des
ponts, de la gare ... Nos amis Avesnois, dit l'abbé
Défossez, ne retrouvèrent du leur qu'un amas de
pierres, auprès d'une église elle-même
endommagée par l'explosion d'une charge savamment
calculée par l'ennemi.
Quelques jours
après leur baptême, les cloches furent
hissées dans le clocher qui depuis, n'a plus eu "d'histoire". |
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LES
ORGUES. |
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Elles furent restaurées une première fois en
1925. Elles se turent vers 1970. Quinze millions de centimes de francs
seront nécessaires pour cet orgue à soufflet l'un
des derniers en France. La fête des familles vit le jour
à cette occasion afin de réunir les fonds
nécessaires à la restauration de ce Patrimoine
culturel. |